
Michel, quel est selon vous le rôle de la musique dans un Parc Disney comme Disneyland Paris ?
La musique tient une part essentielle dans nos expériences. Le fait est qu’il y a toujours eu de la musique dans les parcs d’attractions traditionnels, notamment dans les carrousels, mais rien à voir avec ce que l’on trouve dans les Parcs Disney. L’une des raisons à cela tient au fait que les premiers Imagineers venaient des studios de cinéma. De ce fait, les musiques des attractions Disney ont un rôle essentiel, celui de transmettre les émotions comme la joie ou la peur du danger comme cela pourrait se passer dans un film.
Personnellement, quand j’imagine une attraction, un Land ou plus généralement une expérience, je l’envisage de la même manière qu’un réalisateur le ferait pour un film. La musique de film est là pour renforcer l’image, que ce soit un plan ou une scène entière, et pour moi, c’est exactement la même chose dans une attraction. La seule différence tient au fait que notre médium est différent. Ce n’est pas la surface d’un écran mais un espace en trois dimensions.
En revanche, dans les deux cas, il s’agit d’un rapport très étroit à l’image. C’est ce qui apporte l’excitation du danger, la chair de poule ou fait monter les larmes aux yeux. On touche ici à quelque chose de profondément humain.
En matière de musique, les Imagineers peuvent utiliser aussi bien des chansons que de la musique instrumentale. Quelle différence voyez-vous entre les deux ?
Le patrimoine Disney est riche de très nombreux films dans lesquels les chansons ont une place prépondérante, notamment ceux imaginés dans le style des comédies musicales. Mais, comme je vous le disais, notre médium est très différent d’un film. Je ferai donc la différence entre une chanson chantée et une chanson jouée instrumen- talement. Pour moi, dans une attraction, le chant est là pour attirer l’attention des visiteurs. C’est le cas de « Let it go » dans l’attraction Anna and Elsa’s Frozen Journey à Hong Kong Disneyland, sur laquelle j’ai travaillé.
En revanche, pour la musique d’ambiance d’un Land, nous essayons d’éviter le recours au chant car la musique joue un rôle différent. Elle est là pour dessiner ou accentuer un thème ou une histoire, mais pas de la même manière. En extérieur, il ne faut pas que nos visiteurs soient distraits dans leur expérience ou dans leurs conversa- tions. Cela conduirait à une véritable cacophonie. Pour le land World of Frozen de Hong Kong Disneyland, nous avons imaginé une magnifique musique d’ambiance d’une heure environ composée de musiques des deux films, La Reine des Neiges et La Reine des Neiges II, réarrangées spécialement pour l’occasion, sans la présence de voix car, quand les visiteurs déambulent ou discutent dans un Land, on ne peut pas leur dicter quand faire attention. La musique est là de manière presque subliminale. Parfois, les gens la remarquent et sont touchés, mais la plupart du temps, il s’agit de les transporter de manière inconsciente vers Arendelle, en créant une harmonie entre la musique et le sublime panorama que nous avons créé avec le village et la montagne.
Dans une attraction, les visiteurs savent que leur attention va être attirée par toutes sortes d’éléments visuels et auditifs. Ils s’attendent à cela et ils attendent justement de pouvoir en profiter au cours de cette expérience. Ils sont naturellement à l’écoute et c’est là qu’on peut présenter des chansons.
Par conséquent, chanson ou musique instrumentale, c’est vraiment une question de lieu et d’expérience. À quel stade de la création d’une expérience la musique intervient-elle ?
Elle intervient très tôt dans le processus, au moment où on commence à créer les concepts. À Glendale, dans les locaux de Walt Disney Imagineering, nous avons tout un département musique avec des producteurs, des ingénieurs du son et toutes sortes de spécialistes qui nous aident à créer des environnements sonores immersifs pour nos projets. Je leur présente alors mes premières idées concernant la musique, à quoi elle pourrait ressembler, et comment elle pourrait sonner, que ce soit une transposition littérale d’une scène de film, un nouvel arrangement ou alors quelque chose de totalement original. La musique d’un film peut être sublime, mais ne pas fonctionner du tout pour notre médium. C’est là que commence le travail du département musique, qui va contacter les bonnes personnes, que ce soit pour arranger ou composer. C’est un travail que nous effectuons en ce moment même pour Disney Adventure World et je dois avouer que je suis très enthousiaste !
Parmi toutes les musiques d’attractions de Disneyland Paris, quelles sont vos préférées ?
Les musiques de Disneyland Paris sont particulièrement belles. Les Imagineers qui ont construit le Parc Disneyland ont fait un travail éblouissant. Je pense notamment à la partition grandiose de John Debney pour Phantom Manor et je dois avouer que, lorsque je visite Haunted Mansion aux États-Unis, j’ai la musique de l’attraction de Disneyland Paris qui me revient en tête ! Cela en dit long sur l’impact que peut avoir une musique d’attraction. Elle reste ancrée en vous pour toujours.
En ce qui concerne mes musiques d’attraction préférées à Disneyland Paris, je dirai celle de Space Mountain – De la Terre à la Lune, écrite par Steve Bramson, et celle du Visionarium, composée par Bruce Broughton. Elles me donnent la chair de poule chaque fois que je les entends. Mais ce ne sont pas les seules et j’espère bien que les musiques de Disney Adventure World auront le même impact sur nos visiteurs !